Périer, seigneur de Lestampe et dernier baron de Mirandol en Lozère (Occitanie). Chemin de randonnée: GR®70 Sentier de Stevenson. |
Le musée de Mende possède une estampe dessinée par Romanet en 1780. Le dessin représente un homme d'une soixantaine d'années. Ses cheveux sont grisonnants et bouclés, à la mode de Louis XVI. Son front est large, autoritaire, le regard droit; tout concourt à donner les marques d'une forte personnalité. En bas du portrait, le peintre a reproduit un blason représentant un arbre, plus précisément un poirier (en patois: périé) sur champ d'or. C'est le blason que choisit Périer Guillaume lorsqu'il fut annobli, vers 1745, et devint par la suite le dernier seigneur de Lestampe et un peu plus tard le dernier à avoir porte le titre de baron de Mirandol.
Sur la marge inférieure du tableau, on lit le couplet suivant, qui, s'il n'était pas excessivement flatteur, serait un bel éloge: "Bon père, bon parent, bon citoyen, bon maître. Ayant, ce qu'on a rarement. De bons amis et sachant l'être."
Après deux cents ans, le petit village de Lestampe, blotti dans un repli calcaire du Goulet, malgré l'injure du temps, les révolutions et les pillages, garde encore ce qu'on continue à appeler "le château". En fait, ce n'est qu'une partie de ce que fut la splendide demeure dont parlent les documents dispersés aux archives départementales de la Lozère, du Gard, du Grand Séminaire de Mende et chez plusieurs particuliers de Chasseradès.
Des démolitions, des remaniements ont profondément modifié les bâtiments. Du majestueux, portail en belle pierre ouvragée, style Louis XV, il ne reste qu'une partie du château, une aile subsiste. Le rez-de-chaussée d'un bâtiment voisin, avec ses piliers ronds, supportant une nef à croisée d'ogive, fait penser à ce qui a pu être une chapelle. Les anciens de Lestampe parlent de la splendeur du mobilier de ce qu'on appelait "la chambre verte", "la chambre rose". Les bâtiments de la ferme sont nettement séparés de l'habitation.
Le maître de l'Estampe
Guillaume Périer, originaire de Lestampe, naquit en 1720, d'une famille bourgeoise de Lestampe. Son père, Charles Périer, fit un moment le commerce de tissus, avec plus ou moins de chance d'ailleurs,
car il fut emprisonné à Anduze et Nîmes, comme mauvais payeur. Cependant il veilla à l'éducation de ses enfants: deux garçons, Guillaume et Joseph dit Labro, et une fille Louise. Très intelligent et
doué du sens des affaires, Guillaume Périer fit ses études, et à force de travail et de persévérance il devint même avocat.
Vers 1745, il épousa Marie Rolland, la fille du procureur au Parlement de Toulouse. Peu de temps après il fut nommé "capitoul" de la ville. Cette nomination anoblissait automatiquement le bénéficiaire. C'est à partir de ce moment qu'il devint M. De Périer.
Mais les finasseries de la justice ne suffirent bientôt plus à son activité; il se lance dans la perception des impots, en particulier de "l'équivalent" (impôt sur la viande et le vin). Grâce à son activité inlassable et à sa robuste santé d'homme des montagnes, il étendit "son affaire" et devint bientôt le fermier général des impôts pour une partie du Languedoc et de l'Aquitaine.
Sachant jouer de ses relations, il fut successivement, fondé de pouvoir du comté d'Eu; secrétaire des commandements du duc de Penthièvre; membre de son conseil. En 1784, Guillaume de Périer, baron de Mirandol, était conseiller du roi Louis XVI, secrétaire général de la marine de France, et administrateur général des domaines de Sa Majesté. On peut dire que le petit Guillaume avait, sans perdre de temps, monté jusqu'aux plus hauts degrés de l'échelle.
Entre temps sa fortune était devenue colossale, il acquit d'immenses domaines (rien qu'au château de Lestampe, en 1793, on mit 49 jours pour faire l'inventaire !). Tandis que pour suivre le train de vie dispendieux des cours royales, les anciennes familles seigneuriales se ruinaient et étaient obligées de vendre terres, droits et châteaux, certains, comme notre Guillaume ne perdaient pas les pédales. C'est ainsi que les descandants de la Bonne Dame de Mirandol (Morangiès de Baltz) vendirent à Guillaume Périer, petit à petit, toutes les terres.
Cela commença en 1763 par l'achat de "la Borio" ou ferme du château de Mirandol et toute le seigneurie y passe, suaf le roc du château et le titre. En 1768, c'est la seigneurerie de Belvezet. Périer aida à la construction de la chapelle de ce village, en 1772, Grèzes, Montjoie, Escudière. Le 18 janvier 1777, c'est la terre du Mazel d'Allenc, de Larzalier. En 1778, les terres de Lestampe et de "l'Aufage" (Daufage: en latin, "altus fagus": le village du haut fayard). En 1779, la seigneurerie de Puylaurent y passa. En 1780, Guillaume achète "la chapelle dite de Mirandol en l'église paroissiale de Chasseradès, laquelle a besoin d'urgentes réparations (nous avons vu que cette chapelle avait été construite par les barons de Mirandol). Le 19 janvier 1785, Guillaume achète le castel de Mirandol et le titre. A partir de ce jour il signe "de Périer, baron de Mirandol".
Il sera le dernier à porter ce titre et il ne le portera pas longtemps. La Révolution de 1789 était là, qui allait détruire encore plus rapidemant qu'elle n'avait été amassée, cette immense fortune.
Le 23 mai 1790, Périer écrit à son intendant Rousset: "J'ai toujours craint une guerre civile... mes craintes commencent à se vérifier. Le mal se communique de proche en proche et je crains d'autant plus un embrasement général qu'il y a défection dans les troupes et que le pouvoir exécutif est sans force et sans vigueur.
A Paris nous vivons dans des craintes et des alarmes continuelles." On imagine la vie du riche Guillaume, obligé à se cacher, tremblant d'être arrêté et guillotiné " comme bon nombre des fermiers généraux".
Guillaume Périer mourut à Paris le 27 août 1792. Il ne laissait qu'une fille unique, mariée au comte de Saint Haon et qui n'eut pas d'enfant. De Périer, il ne restait plus rien... même pas le nom.
Une ruse de Périer de Lestampe.
Sur le mur de la cathédrale de Séville on remarque un vieux coffre bardé de ferrures compliquées. Mais ce qui frappe, c'est que ce coffre a été forcé, les serrures mutilées et le couvercle endommagé
en font foi. C'est le coffre où le Cid Campeador, le vaillant chevalier de la lutte contre les Sarrazins, disait avoir enfermé les trésors représentant le gage de l'armement de son armée. Comme le
Cid tardait à revenir de la guerre, la curiosité aidant, les braves gens de Séville n'y tinrent plus: ils firent défoncer le coffre... pour n'y trouver que de vulgaires cailloux.
Guillaume Perier de Lestampe, avait-il tu cette légende ? Au témoignage de M. Tardieu, agent voyer, originaire de Chasseradès, la chose ne serait pas impossible. Dans une lettre de M. le chanoine Costecalde, il rapporte la légende suivante qu'il dit tenir de son grand-père contemporain de Périer et que nous résumons ci-dessous.
Or donc, en ce temps-là, l'intrigant Guillaume, plus riche d'amition que d'argent (il en était à ses débuts!) se rendit à Paris pour obtenir une adjudication de ferme générale de quelque impôt. Mais le cautionnement exigé était important. La bourse de Périer était plate. Comment faire?
En bon Auvergnat, un peu maquignon, il eut recours à la ruse pour gagner de l'argent sans bourse délier. Avant d'arriver à Paris, Périer fait faire plusieurs caisses très solides, bardées de fer, avec d'importantes serrures. A l'insu de tous, il remplit les caisses avec des cailloux de rivière; puis il les ferme très solidement, les fait charger sur des charrettes qu'il fait semblant de surveiller lui-même avec grand soin, sans les perdre de vue et recommandant ouvertement "le trésor" qu'il porte. Arrivé à Paris, il fait porter les caisses dans son appartement, en redoublant de surveillance.
Tant de précautions excitent la curiosité. La police secrète des autres prétendants à l'adjudication avait déjà prévenu ceux-ci qu'il venait d'arriver un concurrent sérieux qui avait apporté une caution extraordinaire. Effrayés par cette concurrence, les prétendants fermiers généraux délèguent leurs plus fins agents auprès de Guillaume Périer afin de l'empêcher de soumissionner. Celui-ci se fait longtemps prier, la main sur ses coffres, comme un homme sûr de lui, puis il y consent, mais en exigeant le " gros paquet" et "comptant !
Le lendemain, à son départ pour Lestampe, l'hôtelier lui dit respectueusement: "Monseigneur, où faut-il porter les caisses précieuses qui restent dans votre appartement ?"
"A la Seine", répond Guillaume dans un éclat de rire qui se perd dans le bruit de la voiture qui s'ébranle, emportant vers d'autres aventures le futur baron de Mirandol.
Aujourd'hui, au château de L'Estampe vivent en saison d'été un couple qui prennent soin de la restauration de ce qui fut le fameux château de Guillaume de Périer dit "Baron de Mirandol". L'escalier d'un seul tenant, la grande cheminée du 18ème, les fresques, armoiries ainsi que le jardin potager un peu plus haut par où passe le petit sentier qui rejoint la petite route du Bleymard. Le domaine de plusieurs hectares est recouvert de bois et de prés où, pour le repas du midi, le monsieur et son ami sont partis trouver quelques cèpes pendant que les dames profitaient du soleil en préparant l'apéritif.
Merci à eux pour m'avoir fait découvrir un peu de la vie de Guillaume, maître de l'Estampe, au blason du poirier sur champ d'or et de la richesse de ce petit village perdu de Lozère !
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